Matthias-Lehmann

Recevoir des e-mails est une activité sans saveur. Je ne suis pas nostalgique, à peine somnambule, mais ado, j’étais obsédé par le fait de recevoir du courrier. Une journée sans courrier était une sale journée. Les courriers étaient d’ailleurs classés selon leur degré d’importance. À critères multiples. Il faut dire qu’à l’époque, autour de 15/16 ans, j’avais sérieusement commencé à écrire à tout le monde dans le fanzinat français. Tout ce qui concernait la BD dite underground me passionnait. Eric Heilmann était une sorte d’artiste conceptuel passionné par l’underground graphique, il publiait plein de graphzines sous le pseudo d’Hilare Moderne ou Mickey L’ange. Lui, tu penses bien que je lui ai écrit. Alors, il m’a envoyé Mickey L’Ange sous tes reins un curieux petit fascicule qui recensait de façon maniaque toute la production de l’époque: fanzines, graphzines, dessinateurices divers·es, lieux, etc… une véritable mine d’hypertextes avant l’heure. Alors après, j’écrivais des ✉️, je demandais à mes parents de me faire des chèques pour commander des fanzines et puis aussi, j’ai décidé de publier mon propre graphzine RANCUNE COMIX, une bonne excuse pour écrire à encore plus de gens pour qu’ils y participent. J’étais particulièrement friand de la production québécoise, Bossé et Lafleur, Henriette Valium, et surtout la QUEEN de la bande, la star de l’underground Julie DIRTY PLOTTE Doucet (portrait ci-inclus : ink + Coffee + greytones). J’adorais tellement le monde de Julie Doucet que je voulais être Julie Doucet et vivre dans un immeuble en briques avec un escalier de secours à Montréal. Ça changeait de la Seine-et-Marne. > {suite dans les commentaires} #illustration #portrait #juliedoucet #drawing #greytones #fanzines #underground #1990s

Matthias-Lehmann

1- Autant dire que le facteur, les jours où il n’apportait rien, je l’insultais copieusement. J’attendais son arrivée avec tellement d’appréhension que j’avais un parcours bien rodé : 1- je surveillais son arrivée par le vasistas du grenier 2- je descendais en cascade dans l’escalier principal pour le regarder s’approcher dans sa Renault Express 3- je l’observais s’arrêter devant le pâté de maison par la fenêtre de l’atelier (en faisant bien gaffe qu’il ne me voie pas) 4- j’attendais qu’il mette le courrier dans la boîte et qu’il s’en aille 5- j’allais vers la boîte en feignant la nonchalance, voir s’il y avait quelque chose pour moi. Les jours de disette étaient tristes à mourir. Juste une facture d’électricité pour mes parents, POUAH! Envie de mourir 💀(J’allais même jusqu’à élaborer des théories complotistes sur le facteur, les courriers qu’il cachait ou qu’il gardait pour lui…)